Kératocône
Le kératocône est une maladie courante qui, d’après certaines études, pourrait atteindre jusqu’à 0,1% de la population.
Son nom veut littéralement dire déformation conique de la cornée (kérato : cornée en grec). Sa physiopathologie précise demeure à ce jour en partie incomprise.
La pathologie semble se développer sur un terrain prédisposant où les patients présentent des caractéristiques tels que les cornées fines (<500 µm, cf anatomie du globe oculaire) et notamment, hypersensibilité oculaire). A la faveur de contraintes mécaniques répétées telles que les frottements oculaires. Ainsi les patients souffrant d’allergies oculaires et dont les symptômes sont soulagés par les frottements représentent une population à risque de kératocône. Il est donc primordial dans la prise en charge du kératocône de supprimer toute contrainte physique de manière ferme et définitive, l’utilisation de collyres anti-allergiques et de larmes artificielles ont pour but d’éviter les symptômes qui pourraient favoriser les frottements oculaires.
Il est nécessaire de vérifier la position de sommeil et dans certains cas de prescrire des lunettes de protection pendant le sommeil (on retrouve en effet fréquemment des patients dont le kératocône peut évoluer à la faveur d’un contact prolongé entre l’œil du patient et les oreillers).
Initialement sans répercussion sur l’acuité visuelle, la déformation en devenant importante va entrainer l’apparition d’un astigmatisme asymétrique et plutôt irrégulier limitant ainsi l’acuité visuelle. En effet on observe une désorganisation de l’architecture des fibrilles de collagène avec une déformation du stroma cornéen (stries de Vogt) toujours plus ou moins prononcée, cette déformation s’accompagne d’un amincissement cornéen pouvant aller dans les cas les plus graves jusqu’à la perforation. Avant le stade de la perforation il peut survenir ce qu’on appelle un hydrops par rupture de la membrane de Descemet.
A la faveur de la déformation cette rupture va entrainer le transfert d’eau provenant de la chambre antérieure directement dans le stroma cornéen provoquant l’apparition d’un œdème de cornée et donc une baisse d’acuité visuelle.
La pathologie prédomine chez le sujet jeune du fait d’une déformabilité cornéenne élevée, qui diminue avec l’âge. En effet de nouveaux outils permettent de mesurer l’hystérèse cornéenne que l’on pourrait traduire par « résistance ». Cette dernière est inversement proportionnelle à l’âge et il est communément admis dans la communauté scientifique qu’au-delà de l’âge de 45 ans, il n’existe que très peu de risque d’évolution. D’autres pathologies cornéennes peuvent en revanche survenir comme par exemple la dégénérescence marginale pellucide qui est une variante du kératocône chez le sujet plus âgé.
La prise en charge d’un patient souffrant de kératocône est double : il faut d’abord stopper l’évolution et procéder ensuite à la réhabilitation visuelle.
L’arrêt de la progression du kératocône doit être constaté par la stabilité de l’examen topographique avec un recul d’au moins trois mois. Les topographes de dernière génération permettent une comparaison de la kératométrie sur plusieurs examens avec une fiabilité importante.
La première action doit être l’arrêt des frottements de manière définitive et totale, dans ce but on prescrira des collyres anti allergiques. La prescription d’une protection nocturne peut aussi être associée.
En cas de progression malgré l’éviction des frottements, un traitement chirurgical de type crosslinking peut être proposé. Il s’agit de provoquer une rigidification du stroma cornéen après imprégnation de riboflavine (ou vitamine B2) et exposition aux rayons ultraviolets. Bien que débattu dans la littérature ce traitement reste le seul à ce jour disponible afin de stabiliser les kératocônes évolutifs mais il n’a en aucun cas pour but d’améliorer l’acuité visuelle.
La réhabilitation visuelle d’un patient souffrant de kératocône est primordiale après stabilisation et encore plus dans cette population jeune et active. Nous détaillerons les traitements disponibles du moins au plus invasif (du moins au plus risqué).
On trouve tout d’abord la prescription de simples verres correcteurs, ce qui ne peut suffire que dans les formes vraiment débutantes et sans réelle déformation cornéenne.
En effet une fois l’astigmatisme plus important, son caractère irrégulier rend la prescription de verre insatisfaisante, on peut donc prescrire des lentilles rigides ou hybrides (mixtes de souple et rigide). Ces lentilles ont pour avantage d’épouser la forme de la cornée et de « gommer » l’astigmatisme irrégulier permettant une qualité de vision optimale. Il s’agit d’une adaptation longue avec plusieurs essais mais dont les résultats sont excellents. Le seul inconvénient réside dans la tolérance de ces lentilles qui est parfois médiocre.
On peut ensuite proposer des traitements chirurgicaux conservateurs (on conserve la cornée du patient).
La pose d’anneaux intra-cornéens peut être proposée afin de diminuer la kératométrie et réduire l’astigmatisme.
A l’aide du laser femtoseconde on crée un tunnel dans lequel seront glissés des anneaux (composés de plastique) et dont le but est d’aplatir le cône. Cette chirurgie ne peut être envisagée qu’avec une épaisseur cornéenne conservée.
Une autre possibilité est de réaliser un traitement laser guidé par topographie. Il s’agit du même traitement qu’une PKR (photokératectomie réfractive)réalisée à but réfractif mais cette fois dans le cadre du kératocône.
Dans ce cas la carte topographique du patient est envoyée dans le laser excimer et qui nous servira comme repère pour un traitement personnalisé topoguidé afin de diminuer au maximum l’astigmatisme du patient. Encore une fois une épaisseur cornéenne minimale est requise.
Un traitement combiné avec anneaux et laser topoguidé peut être proposé dans certains cas.
On peut également désormais mettre en place en intra oculaire des implants en conservant le cristallin afin de corriger l’astigmatisme cornéen sans toucher la cornée.
Dans le cas de patients âgés et présentant une cataracte il est possible de réaliser une chirurgie de phakoémulsification et de poser un implant torique afin de corriger une grande partie de l’astigmatisme cornéen.
En dernier recours, pour les kératocônes très évolués, on peut proposer une greffe de la cornée, kératoplastie lamellaire antérieure profonde ou kératoplastie transfixiante.